Au pays de Berlusconi, Carla Bruni-Sarkozy, ex-top model devenue artiste, tendance gauchisante quoique mariée au président français gaulliste, n’est plus vraiment la bienvenue. Le journal du frère du Cavaliere notamment se paye notre première dame dans les grandes largeurs. Et fait réagir Nicolas Sarkozy, qui défend son amoureuse.
C’est donc Il Giornale, le quotidien de Paolo Berlusconi, frère de, qui s’est chargé de dire à « la ‘première dame’ (en français dans le texte) que le snobisme à la puissance X chez nous s’appelle la goujaterie ». Son canard milanais un brin réac’ n’y va pas de main morte, pointant du doigt une «Lady Snob» qui «a déserté, sans honte, toutes les rencontres, de la rencontre avec le pape à celle avec les sinistrés du séisme (qui avait fait 300 morts, des milliers de blessés et des dizaines de milliers de sans-abris)» organisées pour les épouses des dirigeants.
C’est sûr: depuis le début, Carla Bruni-Sarkozy n’en fait qu’à sa tête, n’en déplaise à Sarah Brown, ‘épouse du Premier ministre britannique ou encore à Michelle Obama. Pire, le quotidien La Stampa n’hésite pas à chroniquer le match entre les deux éternelles rivales, affirmant que l’Américaine fait figure de grande favorite dans leur course effrénée au statut d’icône.
S’agit-il pour Carla la féministe de venger Veronica Lario, femme bafouée par le président du Conseil italien? Pas que. Libre, indépendante et surtout en terrain conquis, Carla Bruni-Sarkozy avait choisi de ne pas suivre le déroulé officiel, en n’arrivant que jeudi soir avec la ferme intention de se rendre de son côté dans la partie la plus dévastée de L’Aquila. Mais la presse italienne la plus à droite n’est visiblement pas prête à pardonner à l’ex-enfant du pays ses infidélités: son soutien présumé à l’ex-terroriste de gauche Cesare Battisti, réfugié au Brésil et dont Rome exige l’extradition, son rôle dans le refus de Sarkozy d’extrader l’ex-brigadiste Marina Petrella, son audace à annoncer, au lendemain de la blague graveleuse de Berlusconi sur le «bronzage» d’Obama, à quel point elle était «heureuse d’être devenue française»… Il faut dire que Carla n’avait pas ménagé la susceptibilité du patron de la Botte…
Berlusconi, par l’entremise de son frangin (quel chic!) ne s’en remet pas de l’aplomb de notre First Lady, «une chanteuse qui incarne à la perfection le pire du microcosme idéologico-mondain», lit-on dans un papier intitulé «Madame Carla, l’ex-Italienne qui ne se mélange pas avec les autres». Pour la discrétion, c’est donc raté. «Avec (son) comportement au G8, même la charité pue. Elle ne pue pas (en raison) du gauchisme (de la première dame), elle pue (en raison) de la simple volonté d’être sur le devant de la scène». Et de faire un zoom sur le sac en croco à 30 000 euros de l’ex-reine des podiums…
Devant autant d’agressivité, Nicolas Sarkozy ne pouvait pas rester sans réagir: jeudi, lors d’une conférence de presse, notre président a pris la défense de sa jeune épouse, estimant qu’elle avait bien raison de donner une dimension «humanitaire» à son voyage et qu’une visite de Rome n’était peut-être pas utile pour celle qui a passé une partie de son enfance à Turin. Et d’estimer que c’était tout à son honneur de préférer dormir dans une caserne des Abbruzes plutôt que dans un palace romain.
« Peut-être voulait-elle vraiment sembler la plus gentille du sommet? ironise encore Il Giornale. En faisant ce qu’elle fait, elle reste ce qu’elle est. Seulement la plus ‘sexy’ ». Et on entendrait presque l’arrogant président du Conseil italien, qui n’hésite pas à rigoler du viol de ses compatriotes, se repaître de l’ultime jeu de mots, d’un goût charmant, entre « buona » (gentille) et « bona » (sexy) sur celle dont la plupart des autres pays, de l’Espagne à l’Angleterre, en passant par Israël, ont loué l’élégance et la classe.
En visite à L’Aquila, donc, vendredi matin, seule mais avec un bouquet de tournesols à la main, Carla Bruni-Sarkozy ne s’est pas laissée démonter par ces critiques. Non, celle qu’une partie de la presse italienne a déjà surnommé Mère Teresa a joué son rôle jusqu’au bout, en annonçant un don de la France de 3,2 millions d’euros pour la réparation du dôme d’une église de cette ville italienne en partie détruite par le tremblement de terre du 6 avril (soit la moitié du montant des travaux). Elégante manière de montrer que si les relations sont glaciales avec le Cavaliere, la première dame de France n’en oublie pas pour autant les Italiens, ses frères de cœur.Avantage Carla?
Juliette Serfati
Vendredi 10 juillet 2009