Tous deux jurés aux côtés de Jenifer et Amel Bent dans The Voice Kids (TF1), Patrick Fiori et Soprano ont grandi à Marseille. Ils nous racontent leur parcours croisé, qui a inspiré un duo à Jean-Jacques Goldman.

Le rappeur et le chanteur se connaissent depuis longtemps. Le juré de The Voice Kids Soprano se souvient : « J’ai rencontré Patrick Fiori il y a quelques années sur un plateau télé. A son accent, j’ai tout de suite su qu’il était de Marseille et pas d’ailleurs. » Plus tard, ils se sont croisés dans les loges des Enfoirés. Nouveau venu dans la troupe, Soprano est alors un peu paumé, rappeur positif et grand public perdu parmi les cadors de la chanson et de la variété. Patrick Fiori se souvient : « J’étais en loges et je parlais des lieux où j’ai habité à Marseille. Gamin, j’ai déménagé dix-neuf fois. Et puis je cite Air Bel, le quartier où je suis resté le plus longtemps. Et là… » Soprano enchaîne : « On s’aperçoit qu’on connaît les mêmes coins, les mêmes familles. Petit, j’habitais au Plan d’Aou, mais j’allais en vacances chez mon cousin à Bel Air, le quartier de Patrick où cohabitent plus de soixante-dix nationalités. »

Ensemble, ils évoquent alors leurs parents, leurs origines. La Corse et l’Arménie pour Patrick, les Comores dans l’océan Indien pour Soprano. Si la famille paternelle du premier a quitté les montagnes arméniennes pour Marseille en 1924, le père de Soprano est arrivé en France en 1975 : « Il était homme à tout faire sur les bateaux. Il est reparti pour les Comores un an plus tard pour se marier avec ma mère, qu’il a découverte le jour des noces. La tradition… » Ils se sont finalement installés dans la cité phocéenne, et son père a continué de voyager. Quant à sa mère, elle était femme de ménage dans les parties communes des tours et les hôtels. « Ma maman aussi, remarque Patrick Fiori, et mon père était déménageur. »Ils assurent d’ailleurs de la même voix ne pas être capables de quitter une chambre d’hôtel sans faire leur lit, encore aujourd’hui.

En 2016, pendant l’enregistrement desEnfoirés, Jean-Jacques Goldman les écoute évoquer ces mêmes souvenirs, le discours de Soprano sur sa cité. « Tout d’un coup, il est arrivé et a lancé : “Je ne suis pas d’accord !”, se rappelle le rappeur. Il nous a raconté son père arrivant de Pologne en France avec seulement une pièce cousue dans sa chemise. Il voulait me faire comprendre qu’il n’y pas que les Noirs et les Arabes de banlieue qui ont souffert.  » Curieux, le boss de la variété française leur demande de lui raconter encore un peu plus leur quartier, de visiter leur mémoire. « Il m’a rappelé en me disant que notre histoire l’avait touché. On en a reparlé encore et encore, et il nous a finalement proposéla chansonChez nous (Plan d’Aou, Air Bel)

Les « collègues » évoquent leurs parcours. Fiori raconte ses débuts à l’opéra de Marseille à l’âge de onze ans, ses multiples petits boulots (d’animateur radio à chauffeur en passant par manœuvre dans le bâtiment), ses concerts dans les garages, sa participation à l’Eurovision en 1993 avec Mama Corsica, puis le triomphe de la comédie musicale Notre-Dame de Paris cinq ans plus tard. Soprano, père de famille, se remémore ses premières K7 enregistrées chez ses parents, son premier groupe, les Psy 4 de la Rime, soutenu par Akhenaton d’IAM, ses premiers concerts en MJC, ses premiers cachets, ses business créés de toutes pièces – il avait vite compris que «  personne n’allait [l’]aider  » –, puis le succès de masse en solo.

Au fil de la chanson que partage ce duo d’« enfants des tours », Goldman a décrit une vie de quartier qui se durcit et se crispe. Soprano confirme : «  Les grands comme Patrick (ils ont dix ans d’écart, ndlr) s’occupaient de nous, nous emmenaient au cinéma, nous faisaient jouer au foot. Ma génération n’a pas pris le relais, et je m’en sens un peu responsable. » Fiori rassure son cadet : « On ne réussit pas en claquant des doigts quand on vient des quartiers nord ! Quand on a grandi là-bas, on voit les choses différemment. » La même émotion les ramènent à Marseille.

Crédits photos : Thomas Vollaire

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