Ma France à moi, avec Fanny Ardant, sort au cinéma ce mercredi. Mais comment ce film a vu le jour après "une expérience absolument étonnante et bouleversante" ? Le réalisateur et scénariste Benoit Cohen se confie à notre micro, avec Fanny Ardant.
De quoi ça parle ?
France, la soixantaine, vit seule dans son appartement bourgeois de l’est parisien. Lorsqu’elle entend parler à la radio d’une association qui met en contact des personnes réfugiées sans logement et celles ayant la possibilité de les accueillir, elle décroche son téléphone pour se porter volontaire. Quelques jours plus tard, Reza, jeune afghan d’à peine vingt ans, débarque dans sa vie. Ces deux êtres, qui n’ont rien en commun, vont devoir apprendre à vivre ensemble…
Ma France à moi
Sortie :
20 décembre 2023
|
1h 31min
De
Benoit Cohen
Avec
Fanny Ardant,
Nawid Elham,
Elisabeth Margoni
Presse
2,5
Spectateurs
2,1
Séances (205)
10 ans après s’être éloigné de la réalisation cinéma, Benoit Cohen, scénariste, romancier et réalisateur, revient avec un nouveau long métrage : Ma France à moi, avec Fanny Ardant et Nawid Elham dans son premier rôle. Connu pour avoir notamment écrit et mis en scène Nos enfants chéris, Benoit Cohen a aussi connu un certain succès pour l’un de ses romans, ou plutôt récit, directement inspiré d’une histoire qu’il a vécu : Mohammad, ma mère et moi.
C’est précisément ce livre qui a inspiré ce nouveau film, inspiré de l’histoire vraie qu’a vécu la mère de Benoit Cohen, incarnée ici par Fanny Ardant. Benoit Cohen et Fanny Ardant se confient sur ce film à voir au cinéma ce mercredi à notre micro.
AlloCiné : pouvez-vous nous raconter la genèse de ce film ?
Benoit Cohen : Le point de départ de ce film, c’est une histoire vraie qui a commencé quand ma mère, il y a quelques années, a décidé d’accueillir, chez elle, un réfugié afghan. Peu de temps après le décès de mon père, elle s’est retrouvée toute seule chez elle et elle a entendu une émission à la radio, dans laquelle une association expliquait comment elle mettait en relation des gens qui avaient un espace chez eux et des gens qui arrivaient en France. Et elle a franchi le pas. Sans en parler d’ailleurs, ni à moi, ni à mes frères, elle l’a fait directement.
A l’époque, j’habitais aux États-Unis. Un jour, quand je l’ai appelée comme ça pour lui demander des nouvelles. Je lui ai dit : “Qu’est ce que tu fais ce soir ?”. Elle m’a répondu “Je vais dîner avec Mohammad.” Je me suis demandé qui c’était et j’ai alors découvert son existence. J’ai appris à connaître ce gars qui s’est avéré être un type formidable. J’ai adoré la manière dont ma mère avait, sans en avoir parlé à personne, pris cette décision. Elle est passée outre sa peur, parce que forcément, au début, on se demande ce qui peut bien nous arriver.
Ça a été très inspirant pour moi, pour mes frères. J’ai proposé à Mohammad qu’il me raconte son histoire. Je pense que parce que ma mère lui avait donné sa confiance, il a accepté de lui à son tour de me donner la sienne. Et il m’a raconté son histoire en un week-end. On est partis tous les deux à la campagne. Il m’a raconté son histoire entièrement, d’un trait. Et c’était la première fois dans ma vie que ça m’est arrivé. Quand on rencontre des gens, on apprend à les connaître petit à petit. Que quelqu’un se raconte depuis sa naissance jusqu’au jour où on lui parle en une fois, c’était une expérience absolument étonnante et bouleversante. Et donc, j’ai décidé d’abord d’en faire un livre qui s’appelle Mohammad, ma mère et moi, qui est sorti chez Flammarion en 2018, et ensuite de faire ce film.
Comment votre choix s’est porté sur Fanny Ardant pour ce projet ?
Benoit Cohen : Fanny Ardant a été très vite une sorte d’évidence. D’abord, parce qu’elle a des points communs avec ma mère. Il y a une folie, et en même temps, quelque chose qui a l’air de l’extérieur un peu bourgeois et en même temps assez punk.
Par ailleurs, j’ai toujours énormément aimé le travail de Fanny. La Femme d’à côté est un film que je que j’emmènerais sur une île déserte si on ne m’en demandait que cinq. Ça, je ne l’ai jamais dit parce que je n’avais pas envie d’aller dans le registre du fan, mais c’était une évidence.
Fanny Ardant, comment vous êtes-vous expliqué cette impulsion qu’a votre personnage dans l’histoire ? Comment avez-vous approché ce personnage ?
Fanny Ardant : Parce que j’ai pensé que je pourrais faire une chose comme ça tout d’un coup, de dire « Bon allez, les enfants sont grands maintenant. ». Tout m’a plu dans le fait de ce personnage qui n’était pas donneuse de leçons, bien-pensante. Elle me plaisait. Elle a ce caractère assez fort, assez directif. C’était ce mélange de romanesque et très implanté dans la vie.
Je n’ai jamais pensé que cette femme faisait ça parce qu’elle était solitaire. Elle a cette énergie qu’elle a toujours eu. Elle est comme ça, elle a quelque chose d’ouvert. Donc j’aimais bien ce personnage en dehors de la bien-pensance. C’était romanesque.
Qu’est-ce qui vous toucherait le plus de la part des spectateurs après avoir vu ce film ?
Benoit Cohen : Il y a quelque chose qui s’est passé avec le livre qui m’a beaucoup touché. Quelques mois après la sortie du livre, il y a eu un article dans un journal où ils interviewaient des gens qui avaient décidé d’accueillir chez eux des migrants et une des personnes a dit qu’elle s’était décidée après avoir lu mon livre… Ça, c’est merveilleux. Si ça peut permettre ça. Un film peut toucher encore plus de monde qu’un livre.
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J’aimerais que suite à la vision de ce film, des gens se disent « Tiens, je vais prendre mon téléphone, je vais appeler cette association et pourquoi pas essayer ? » Après, c’est avant tout un film, dans le sens où ce n’est pas un tract. C’est un film qui raconte une histoire bien plus large que simplement le fait d’accueillir quelqu’un chez soi. C’est un film qui raconte comment on passe d’une relation verticale à une relation horizontale. De la charité à l’échange. C’est beaucoup plus large que simplement accueillir chez soi. Mais c’est vrai que c’est une des choses que j’espère secrètement : que ce film, à la fois, fasse que concrètement, des gens dorment avec un toit sur la tête et pas dans la rue, et par ailleurs que ça ouvre un peu les yeux et que ça rabatte un peu les cartes et le débat.
Le sujet peut-il avoir une résonance encore plus forte qu’à l’époque où le livre est sorti selon vous ?
Benoit Cohen : Quand j’ai écrit le livre, on était en pleine crise des réfugiés syriens. Là où ça change aujourd’hui, c’est que je trouve que malheureusement, les esprits se referment pas mal depuis quelques années et j’espère que ce film permettra aussi de voir les choses un peu différemment. C’est pour ça qu’il ne faut pas en faire quelque chose de trop clivant et politique, parce que je pense que ce film s’adresse à des gens qui, peut- être, croient qu’ils sont contre, mais qu’en voyant ce film, ils peuvent se poseront quelques questions, et se diront peut être « Tiens, ça m’intéresse ». Ce n’est pas pour ça que fondamentalement, ils changeront, mais ça peut éclairer quelques lanternes. Je ne l’ai pas fait comme un brûlot, je l’ai fait comme un vrai film, un vrai conte de fée moderne, une histoire qui semble irréelle, mais comme c’est une histoire vraie, on est bien obligé de constater que c’est possible.
Propos recueillis au Festival du film francophone d’Angoulême 2023